Acte 5. Retour dans les Marches de Couronne

Le groupe était parti depuis plusieurs heures, le terrain escarpé fini par laisser place à un sol plus plat et un sous-bois touffu. La sente serpentait entre des arbres chétifs couverts de mousse. La terre souple amortissait les sons, les chevaux tout à leur peine étaient calmes. La monotonie du trajet avait fini par isoler les voyageurs dans le silence. La nuit était tombée, mais comme la veille, Mannliebe était si lumineuse qu’on pouvait percevoir aisément son environnement.

Malgré sa torpeur, Ysabel perçu le danger la première, une curieuse sensation de dégout lui indiqua une variation dans les vents de magie. Une odeur de calamine imperceptible aux narines des mortelles emplit l’air. Clodhbert voyant sa protégée chercher du regard l’origine du phénomène eu un mauvais pressentiment. Les alentours étaient paisibles, les montures n’avaient rien senti, mais le chevalier commençait à avoir un lourd passif d’ennuis. Il attrapa la fusée de son arme et fut renversé avant d’avoir totalement sortit la lame de son fourreau. Il percuta le sol rudement et la seconde suivante une puissante mâchoire se referma sur le bras qu’il avait réussi à interposer devant sa gorge. Fidèle à la tradition de la quête, le paladin voyageait en armure et malgré la pression, les dents ne parvinrent pas à pénétrer le métal.
L’attaque soudaine détourna l’attention de la nécromancienne qui ne put rien faire pour éviter qu’un deuxième molosse ne saute sur le poitrail de son palefroi et ne lui plante ses crocs dans la carotide, la pauvre bête se cabra manquant de désarçonner sa cavalière, avant de s’effondrer, le prédateur toujours fixé à la plaie.  Le destrier du bretonnien prit peur et fonça, frôlant la jeune femme et ajouta à la confusion. Les assaillants étaient des chiens monstrueux aux poils rougeâtres. Leurs mâchoires semblaient pouvoir s’ouvrir bien au-delà des possibilités naturelles et une conscience n’ayant rien d’animal brillait au fond de leurs doubles paires d’yeux.


Monté sur la poitrine de Clodhbert son agresseur tentait de se frayer un passage vers son visage non protégé. Les griffes de la bête raclaient le plastron du bretonnien et l’haleine brulante le faisait suffoquer. A force de ruade et de coups, le jeune homme réussit à éloigner la gueule de son ennemi et à se donner du champ mais un troisième limier le saisit par le colletin et le traina en arrière. Malgré l’inconfort de sa position le chevalier réussi à se saisir de sa dague et larda son premier agresseur qui repartait à l’attaque. La longue lame pénétra profondément la poitrine et les flancs de la créature. Un liquide s’échappa des plaies et s’évapora en sifflant au contact de l’air, le dogue grogna, poussa un glapissement rauque avant de s’affaler.
Ysabel essayait doucement de se saisir de son pistolet sans provoquer l’attaque du mâtin infernal en face d’elle quand le monstre bondit. D’un clignement de paupière elle s’éloigna de la trajectoire, mais le molosse fut stoppé dans les airs comme arrivé au bout de sa laisse. Le rouet de l’arme projeta une gerbe d’étincelle sur la poudre d’amorçage, pendant un instant elle ne sembla pas vouloir prendre, mais dans un bruit de tonnerre le coup fini par partir. Un trou apparu sur le front de la cible encore hébété qui s’effondra le crane fumant.
Il restait un ennemi, mais comme tiré par une longe invisible il dut lâcher Clodhbert. Malgré ses efforts, son collier le contraignait irrésistiblement à reculer jusqu’aux pieds de son maître. Celui-ci dégaina une grande épée et d’un geste sûr traversa l’échine du chien qui disparut comme ses congénères dans un brouillard tourbillonnant. D’un geste dédaigneux le nouveau venu se débarrassa de l’anneau de bronze devenu inutile par la disparition des limiers d’Akamshy’y.


Monté sur un destrier décharné réanimé par magie. Le tueur semblait tout droit sorti d’une sombre forêt, son armure était maculée de crasse et de fragment de végétation. Des traces de sang noircissaient son bras et son casque. Des éclaboussures de boue couvraient les pattes et le poitrail de sa monture. Même à cette distance on pouvait sentir son odeur animale. D’humain, ce chevalier n’avait plus grand-chose, sa bestialité avait déformait son côté gauche d’une impressionnante mutation. Le guerrier retira son heaume révélant un visage contrefait et brutal mais où on pouvait lire un vrai trouble. Il approcha lentement en ne lâchant pas Ysabel du regard. Ses yeux rougis par les meurtres brillaient d’un sentiment maintenant très différant.


-Adelgunde…, te voilà enfin.


La jeune femme, avait tout de suite reconnu le cavalier. Il était son compagnon. Enfin celui de la bête ravissante qui habitait maintenant son corps. Elles ne formaient qu’une désormais et une fugace attirance pour Sir Luthor ainsi que des souvenirs impudiques lui traversèrent l’esprit avant d’en éprouver du dégoût, ou du moins avant que la jeune fille qu’elle s’efforçait d’être encore ne s’en dégoute. Le vampire perçu son hésitation et aussitôt la rage qui caractérise son espèce reprit le dessus. Il pointa son espadon vers Clodhbert.


-C’est avec ça que tu comptes me remplacer !? La voix du chevalier gronda comme le tonnerre. Un gamin avec une épée !


Il fit pivoter son destrier et s’apprêtait à charger, mais renonça finalement.


-Un mortel. Laid et faible…Mais tu l’as choisi… à ma place…reprit tristement le dragon de sang.


Le guerrier feula doucement comme au fauve, tenaillé par des envies contraires le visage parcouru de tiques nerveux.


-Le tuer ne changera pas ton jugement... Je vais donc te prouver que je vaux mieux que lui, que je suis le seul époux digne de toi et là seulement, lorsque que tu me demanderas une nouvelle fois d’être mienne je tuerai ton soupirant. Par Morrliebe, je le jure.


Le cheval cadavérique fit demi-tour et prit la direction des bois. Mon cavalier se retourna et salua d’un mouvement de tête.


-A bientôt, mon amour.


Ludwig posa sa main sur la spalière du jeune paladin. Le dissuadant d’attaquer. « Une muraille se contourne, elle ne s’attaque pas ». L’aura du spectre semblait briller moins intensément que d’habitude.

Un domestique introduit le jeune homme dans le salon. On avait retiré les larges volets qui protégeaient d'ordinaire la pièce découvrant une magnifique vue sur la mosaïque d'ile de Marienburg. Loin des odeurs nauséabondes des bas quartiers, le patio offrait un doux et parfumé air marin. Au milieu du luxueux ameublement, une collation encore intact attendait sur une table basse. Debout face au panorama, le seigneur Pons Aymar se tourna vers son visiteur et le salua rapidement à la mode bretonnienne. Les mois qui les séparaient de la dernière rencontre avec le frère du défunt Comte des Marches de Couronne avaient quelque peu affaissé les trais sévères du noble. Quelque chose de vaguement avachie avait alourdi d'éclat de ses yeux.


-Bonjour chevalier. Je vous remercie d'avoir répondu favorablement à mon invitation. Je dois vous féliciter pour avoir permis de régler les problèmes de cauchemar de maître Ehinger. Son état préoccupant remettait en cause mon expédition, aussi par l'achèvement de votre quête vous avez indirectement contribué à la réparation d'une spoliation. Pour cela également soyez remercié.


D'ici quelques semaines je vais enfin partir reprendre mon dû. Les troupes sont prêtes, ou le seront bientôt. Leur effectif et la situation actuelle en Bretonnie devrait, si la Dame le veux, m'assurer une campagne victorieuse, mais l'utilisation de mercenaire étranges pourrait ne pas m'apporter les marges de manœuvre nécessaire pour asseoir mon autorité pacifiquement sur les Marches une fois que mon titre me sera restitué. Ainci j'ai grandement besoin de chevaliers loyaux pour occuper le devant de la scène et ainsi légitimer aux yeux de la noblesse locale ma démarche. Je souhaite également, autant que possible, préserver la province et éviter une bataille sanglante, la présence à mes côtés de prestigieux champions, pourrait être un plus indéniable. Aussi, Chevalier Clodhbert, je souhaiterai que vous souteniez ma cause et que vous vous acquittiez en mon nom de certaines missions délicates. En retour je m'engage à vous octroyer mon amitié, ma protection et un fief lorsque vous estimerez avoir achevé votre serment de la quête et souhaiterez revenir vers une vie normale.
Qu'en dites-vous ? Pourrais-je compter sur votre lance ?






-Vous êtes vraiment sûr de ne pas vouloir de ce vin elfique ? Je vous assure que c'est une véritable merveille, vous ne savez pas ce que vous perdez, ma dame.


Ambrosius Ehinger reboucha enfin la carafe qu'il agitait au grand plaisir d'Ysabel dont l'odorat était étonnamment indisposé par les vapeurs du breuvage. Malgré les stigmates de son ancien mal encore visible sur son visage l'armateur était particulièrement enjoué, les cadeaux qu'il avait mené à la jeune femme étaient hors de prix, soies de Lotherne, bijoux d'Inja, venaisons d'Albion et parfums Estaliens couvraient la table du logement mis à la disposition de la sorcière. Il y avait là de quoi acheté un grand domaine, mais le Marienburgeois n'avait pas fini. D'un geste qu'il voulut théâtrale il déposa devant son invité un coffret ouvragé constellé d'ivoire exotique, puis il en souleva le couvercle. Sur un capitonnage de brocard reposait trois objets dont la simplicité contrastée avec leur fastueux emballage. Une pierre enchantée enchâssée dans une cage de métal vulgaire, une plaque de cuivre marqué de la rune de Shylish et un parchemin couvert de seau de cire noir également frappé de la marque du vent de la mort. Le nom de la vampire figurait sur le brevet dans une calligraphie élégante, ses trois symboles faisaient d'elle un maître mage du collège d'Améthyste.
-Félicitation pour votre promotion, la complimenta ironiquement le marchand. Evitez toutefois de vous rendre dans les murs de cette vénérable institution pour y recevoir les compliments de vos honorés collègues, certains pourraient vous porter rancœur de ne pas avoir été invité à votre remise de diplôme.
L'homme laissa Ysabel examiner à son aise ses nouvelles possessions, puis ajouta


-Je vous fais grâce de la difficulté que j'ai eue à obtenir l'argent nécessaire à ce montage, mais je suis heureux de vous l'offrir. J'espère prochainement obtenir les bénéfices d'un investissement risqué et d'ouvrir une voie commerciale exclusive avec nos voisins Bretonniens. Les nombreux objets enchantés que vous avez ramené de votre voyage devrait nous y aider, mais je serai tranquillisé si vous acceptez d'accompagner les hommes qui iront …euh, disons : négocier les derniers détails. Les sorcières de ce pays font parfois preuve d'un cruel manque d'ouverture d'esprit concernant le libre commerce et il serait regrettable qu'elles fassent échouer les pourparlers au vu des sommes engagées, vous ne trouvez pas ?
La défense magique de l'expédition sera assurée par le célèbre Vespasien von Haas. Aurez-vous l'amabilité d'accepter de le seconder dans cette tâche et si oui à quelle condition ? Je pourrais vous fournir une suite qui s'assurera de vous épargner l'inconfort des voyages terrestres si vous le souhaitez.

-Si je puis me permettre, mes maîtres. Annonça Heinrich, nous pouvons déduire ce rôle des informations en notre possession, Sir Pons est un pragmatique ambitieux, alors que Clodhbert est un chevalier errant, sans nom et banni de surcroît par décret royal. Les intrigues et l'or de Maître Ehinger devraient accorder la suprématie militaire au moins temporairement à son prétendant, il devrait donc pouvoir se passer d'une lance de plus. Pour mener les troupes, le seigneur Aymars et le Magister Von Haas seront bien suffisant, non s'il demande à Clodhbert de le rallier c'est qu'il a besoin du soutien politique de l'ancien parti d'Alicia.


Devant les regards de ses compagnons, l'écuyer poursuivi :


-La position du seigneur Pons n'est politiquement pas bonne. S'il parvient à remporter la victoire militaire, il lui faudra encore être accepté ou du moins toléré par la couronne. Il lui faudra donc être reconnu comme le légitime successeur de son frère et obtenir un large soutien de la noblesse des Marches. C'est seulement dans ses conditions qu'il pourra espérer régner. L'empire a actuellement d'autre problème et ne risquera pas une guerre contre la bretonnie en ce moment. L'appui des Casteldorieux, des Duralung et des Vicomtes Amory serait le bienvenu et le soutien de Gorn de Parravon pourrait élargir l'alliance. Et de quel meilleur ambassadeur les Marienbourgeois dispose-t-il pour approcher ses personnes ? Les De Cadras pourraient été sollicité également de cette manière.
Les prétentions d'Alicia sont finies, la défaite militaire de son armée et la capture d'une bonne partie de ses membres influents interdit à ses soutiens d'espérer la voir occuper le trône, mais on peut imaginer plusieurs formes d'alliance avec Pons. Il est marié depuis des années et n'a pas de descendant, je pense donc qu'il pourrait nommer sa nièce comme son héritière, ainsi ces deux parties ne feraient plus qu'un et la noblesse des Marches de Couronne, jalouse de son indépendance pourrait trouver cette alternative alléchante.
Les principaux ennemis de cette probable faction sont les Cléments et bien sûr,  en premiers lieu les De Rouergue…
Sachez cela : si vous embrassez la cause de Pons Aymars vous ne pourrez éviter une confrontation avec sir Suidebert. Et alors, puisse Shallya nous venir en aide.

Le cheval renâcla une nouvelle fois, pivotant sans cesse pour ne pas avancer plus avant sur le chemin. Poser ses pattes sur le sol semblait douloureux au puissant destrier. Malgré les talents de cavalier de Clodhbert il n'était pas possible de contrainte sa monture à continuer. La zone était sinistre, la végétation était morte, l'herbe et les feuilles étaient racornies et noircis, comme passé à la flamme. Les troncs semblaient secs et dégageaient une odeur de fumée et des relents acides. Aucune trace d'animaux, tous ici étaient terrassés et lentement consumé par un poison invisible. De l'écume sortit des naseaux de la pauvre bête, ses yeux étaient malades et elle transpirait anormalement. Avancer c'était la condamner à mort. Le chevalier dût rebrousser chemin.
Rapidement les alentours reverdirent et bientôt le jeune homme se retrouva dans l'épaisse forêt qu'il venait de quitter. Les tremblements de son cheval cessèrent peu à peu, mais il aurait besoin de repos et probablement des soins d'Heinrich pour récupérer. Le paladin l'abandonna près d'un ruisseau et fit le point sur la situation.

Le confort de Marienburg était loin maintenant. La petite troupe était repartie sitôt que le seigneur Pons est donné ses ordres de mission à Clodhbert : Rallier à sa cause le maximum des anciens compagnons du jeune chevalier. Obtenir le soutien Alicia et de Gorn semblant prioritaire, on prit donc la route de Parravon. L'utilisation de l'Œil de la forêt fit espérer aux voyageurs une arrivée rapide, mais ils durent vite déchanter.
Sitôt parvenu sur la sente il devient clair que s'approcher du cœur du réseau des racines du monde serait ardu. La plupart des pistes étaient closes et gardées. Des sortilèges et des créatures empêchèrent le groupe de s'approcher de leur destination et le poussèrent même à utiliser une sortie. La région d'arrivée était particulièrement sauvage, aucune route digue de ce nom, la parcourait et la présence humaine était anecdotique. A la nuit tombée, le paladin et ses suivants furent hébergé dans une petite communauté de reclus. Très pieux, les habitants reconnurent dans le jeune noble un guerrier béni de la Dame et leurs firent bon accueil. Au centre du hameau se dressait une vieille chapelle du graal, les manants dédié leurs vies à la prière et à l'entretien de ce lieu saint. Le chef de la communauté la présenta comme la « Chapelle des trophées » et Seul les Chevaliers victorieux étaient autorisés à s'y recueillir après avoir vaincu le mal et en avoir rapporté la preuve. A l'entendre, était suspendue à l'intérieur de très nombreux trophées, Tête d'homme-bête ou d'orque, bâton arcanique, main de sorcière et autre vieux casque couvraient les murs. Même de l'extérieur Clodhbert ressentait la puissance du lieu. Comme une chaude sensation rassurante, la présence de la Dame était évidente. Les plus grands chevaliers de la Quête : Gilbert le fort, Claudius double épée ou Brun le roux avaient reposé des objets ici. Si le chemin vers le graal était une route, ce lieu en était une borne.
Le lendemain, après une nuit de dévotion, un ermite que la vérole avait rendu aveugle vient trouver le paladin et dans un langage poussif et limité lui conseilla de partir vers le soleil. Désorienté et ne sachant où elle se trouver, la troupe n'y vit pas d'inconvénient. Vers midi les jeunes nobles croisèrent des réfugiés. A entendre ces malheureux le « mal du val Bossu » avait atteint leur village, empoisonnant leur source et les avaient poussés à l'exil.
Depuis des mois, partant d'un petit vallon, un poison se rependait lentement, gagnant chaque jour du terrain. Des dires des villageois rien n'avait réussi à enrayer sa progression, ni les tranchés, ni les prières, ni le feu ou même les armes. Malgré la pression des raids nordiques, Simon Grande-épée avait dépêché une damoiselle du Graal et plusieurs chevaliers, en pure perte, personne ne semblait pouvoir pénétrer la zone.
A l'énoncé de cette calamité, Ysabel n'avait pas eu besoin d'interroger son protecteur pour savoir s'ils allaient s'y rendre. Et après une nuit sous les arbres ils étaient parvenus en bordure du territoire souillé.

Le retour d'Heinrich parti en éclaireur, sortit son maître de ses souvenirs. Le disciple de Shallya inspectant ses semelles craquelées constata que l'épais cuir de vache n'avait plus que l'épaisseur d'un vélin. Il informa que les ravages allaient croissant à mesure qu'on s'enfonçait dans la zone et qu'a une lieu d’ici plus rien ne subissait.
Les vieilles Chansons de geste de l'enfance de Clodhbert lui revinrent en mémoire, lors de la croisade contre le sultan noir, Sir Othon chassa le serpent de Nyfle-Kar. Cette créature était si maléfique qu'elle était mortelle au moindre contact et était dit on responsable de la transformation de l'Arabia en désert stérile. Le preux l'avait terrassé, mais le poison remontant le long du manche de sa lance l'avait également tué, démontrant le sacrifice nécessaire au triomphe du bien et soustrayant le paladin au dur dilemme de choisir entre sa parole et son amour.

Clodhbert flottait dans un environnement flou et changeant, ses jambes lui brulaient, sa cicatrice le lançait, une migraine lancinante l’empêchait de penser et ses intestins étaient en feu. Ses perceptions c’étaient refermé sur lui-même, il avait perdu la notion du temps et la douleur touchait de plus en plus d’organe. Un spasme le courba en deux et il vomit sur le sol. Le flot ne semblait pas vouloir s’arrêter et le chevalier eu l’impression que tout son corps s’écouler par sa bouche. Sa poitrine était parcourue de tremblement, toute force l’avait quitté, mais il se sentait mieux. Le jeune homme un peu hébété regarda autour de lui. Il était assis sur un talus d’herbe desséchée, Heinrich l’occultait calmement et visiblement satisfait du traitement qu’il venait d’administrer, se recula. Les alentours étaient calmes et boisés, quelqu’un l’avait sorti de la zone empoisonnée.


- Le métal de votre armure a bien résisté, mais vos bottes ont brulé. L’informa l’écuyer. Ainsi que le bas de vos chausses et de votre cotte qui dépassait de votre braconnière lorsque Dame Ysabel vous a trainer jusqu’ici. La peau de vos pieds a une vilaine couleur et risque de rester douloureux un moment, mais mon antidote semble efficace et votre état ne devrait plus empirer. Le palefroi de votre protégée est presque mort et il faudra du temps à votre destrier pour récupérer si vous voulez qu’il vous porte encore un moment. Si vous voulez y retourner il vaudra trouver un moyen de vous isoler du sol. Un moyen qui vous laissera la possibilité d’affronter ce que vous trouverez.


Malgré qu’il ait rebroussé chemin bien plus tôt que son maître, le visage du disciple de Shallya était blanc et couvert de sueur, les vêtements qu’il c’était enroulé autour des pieds étaient couverts de tâches malsaines et dégager encore des effluves viciés. Le bas de la robe d’Ysabel était rongé, comme trempé dans de la chaux vive et les semelles de ses élégants souliers avaient fondu.

-Ces nobles animaux n'y survivraient pas. Déplora Heinrich. Ils ont cette fabuleuse faculté de s'élever dans les airs, mais ils doivent atterrir pour permettre à leur cavalier de se battre. Ils suffiraient surement pour vous amener au centre du mal, mais ne pourraient pas vous en ramener. Si la légende de Nyfle-Kar dit vrai notre adversaire pourrait être si mortel que son poison remonterait le long des armes. Ce problème aussi devra être résolu avant que le combat ne commence.

Seules les matières organiques semblent être atteintes par le toxique, elle semble rapidement mourir lors qu'elles sont exposées, mais la propagation du mal aux travers d'elles est plutôt lente. D'après les descriptions des réfugiés et de celles que vous m'avez faite, vous semblez avoir fait plus la moitié du chemin, c'est déjà ça, mais la distance qu'il reste a parcourir reste trop importante pour juste tenter de réessayer en renforçant vos bottes et le retour doit également être pris en compte. Le magistère Gracchus Von Saar, voyage dans un chariot à voile mut grâce à sa magie, un tel véhicule nous serait bien utile dans notre cas. Le temps que le poison remonte par les roues, nous aurions le temps de faire l'allée et retour...

En attendant je peux toujours vous confectionner quelques solides javelots…


L'écuyer hésita, comme mal à l'aise, mais fini par poursuivre


-La Dame semble souhaiter que vous accomplissiez cette quête, l'apparition de la chapelle des trophées est un signe, soyez sur vos gardes toutefois, il est rarissime que mon…intuition soit ainsi brouillée. Quel que soit ce qui vous attend au milieu de cette désolation, cela possède des dons d'origines divines.

Toute végétation avait maintenant disparu. Les alentours étaient exclusivement minéral, fait de roche et d’éboulis ou régnait une odeur acide et désagréable. Les pattes des montures fumaient, mais leur lente dégradation ne semblait pas alarmante. Légèrement en retrait Ysabel chevauchait en silence le visage fermé. L’atmosphère trompait peut-être ses perceptions a moins que le refus poli d’Heinrich de monter avec elle la contrarié. Le jeune disciple de Shallya leur avait souhaité bonne chance et était resté en limite de zone empoisonnée avec leur matériel et le destrier de son maitre. Clodhbert était également silencieux, priant et se préparant pour son combat. La geste de Nyfle-Kar était claire, tout contact avec le monstre était mortel, le jeune chevalier serra fort les quelques javelines qui risquaient d’être les seuls armes qu’il pourrait utiliser.

Une faille ouvrait le paysage, des vapeurs nauséabondes et irritantes s’en échappait par intermittence. Ses flancs abrupts étaient çà et là interrompu par des sentes étroites et caillouteuses, où on pouvait y pénétrer avec prudence si l’on voulait éviter le contact avec les parois toxiques. Au fond le sol était irrégulier et relativement étroit. Rapidement on débouchait sur un cirque étriqué où reposait la cause de l’empoisonnement.

A moitié enroulé sur lui-même un grand vers était immobile. La créature devait faire quatre ou cinq pieds de large pour quarante à cinquante de long. Aucun orifice ne perçait sa peau grisâtre et verruqueuse à l’exception d’une gueule à une extrémité, maintenant fermé a la manière d'un bourgeon par plusieurs couches de tissu. Des suintements épars ruisselaient sur son corps avant d’alimenter une masse gélatineuse qui servait de couche au monstre. La présence de projection de cette substance sur la plupart des parois laisser supposer que la bête était capable de mouvement rapide.

Rien ne bouger. Le chevalier, les yeux irrités par les vapeurs se dit qu'il était temps de compléter la collection de la chapelle des trophées.

Ludwig se précipita au combat et regarda interdit Clodhbert lorsque celui-ci le dépassa sur le dos de sa monture. La gélatine qui couvrait le sol autour du monstre était trop étendu pour permettre au jeune chevalier d’atteindre le vers en l’évitant aussi il lança courageusement son cheval à l’intérieur. La substance grasse commença à fumer abondamment lorsqu’elle adhéra aux pattes du coursier, mais l’élan du betonnien était suffisant et alors que la bête était parcourue d’une première ondulation, l’épée grise s’abattit sur elle avec toute la force de la magie des nains. La lame pénétra profondément le corps de la créature qui se cabra sous la douleur. Le chevalier impérial hurla de surprise et d’indignation. La tête du monstre s’éleva haut dans le ciel et parvenu au point culminant de sa trajectoire sa bouche s’ouvrit comme une fleur pour pousser un cri silencieux, puis presque au ralenti, bascula sur le côté et s’effondra. Le choc de sa chute fit gicler son sang bleuâtre par la plaie et projeta en tous sens le tapis empoisonné. Les convulsions du monstre agrandirent la blessure et bientôt ses mouvements se résumèrent à des tortillement d’agonie. Clodhbert suspendit ses lancés constatant que son ennemi était vaincu, mais Grosswald continuait à crier, le jeune homme regarda dans sa direction et s’étonna de le voir courir dans sa direction. Le spectre semblait moins solide et plus transparent et pour la première fois le paladin vit de l’inquiétude sur son visage sévère.

Un bruit métallique attira l’attention du betonnien à ses pieds. Son épée qu’il pensait avoir rengainé venait de tomber au sol. L’inspection de son fourreau lui révéla que celui-ci venait de fondre sous l’action de la chose qu’il contenait. Son tabard et le flanc cadavérique de sa monture également touché était comme atteint par une usure foudroyante. Eberlué, il regarda sa main droite qui le grattait. Le gant en cuir sous le gantelet était devenu cassant et ses doigts ne répondaient plus, comme paralysés. Une chaleur intense brulait son poignet et avançait lentement vers son coude. La douleur couvrit son corps de transpiration et sa vue se brouilla. Il se sentit tomber et se souvint que le sol était empoisonné. Le choc l’ébranla et il parvient à rouvrir brièvement les yeux. Ludwig l’avait rattrapé. Il pouvait voir les roches au travers du corps du guerrier et sa poigne était de plus en plus chancelante. « Ysabel !! » hurla le revenant lorsque Clodhbert s’évanouit.

Afin de gagner du temps la jeune sorcière ralentit le métabolisme de son protecteur avec un sortilège capable de le plonger dans un état proche de la mort et tout en galopant elle passa en revue les différentes options qu’elle avait pour sauver Clodhbert. Le plus simple serai d’isoler le poison dans une partie du corps du chevalier et de l’enfermer magiquement en attendant de trouver un moyen de le faire disparaitre. Heinrich devait probablement connaitre des sorciers ou des prêtres de Shallya capables de cet exploit. Le livre de père donnait des formules pour créer des capsules magiques dans un corps afin de répandre des substances alchimiques dans une création mort-vivante. Un sort complexe, mais qui pourrait bien sauver la mise ici.


Les épaules d’Ysabel s’affaissèrent. Sa main tremblante laissa échapper le lourd volume qui se referma en tombant au sol. Son incantation mourut dans sa gorge alors qu’elle cessa de tracer dans les airs des signes complexes.
Elle avait échoué.
Son apprentissage inachevé ne lui avait pas permis d’avoir la maîtrise et la finesse nécessaire, l’incroyable puissance qui animait son corps lui avait permis jusqu’ici de pratiquer une magie brutale et instinctive, mais n’était d’aucun secoure pour tisser un sortilège de cette complexité. Autant tenter de faire de la broderie avec des gantelets.
A la lueur du feu de camps le corps inanimé et partiellement dévêtu de Clodhbert était couché à même le sol. Heinrich l’air grave ayant pris bien soin de le jamais touché son maître essayait de se rendre utile en vain. Malgré leurs soins le poison progressait. Il n’était plus possible de sauver le bras du chevalier et chaque heure passée diminuer les options. Lui trancher semblait maintenant la seule solution pour sauver la vie du jeune guerrier. L’anneau de Bjuna pouvait le maintenir, mais comme l’aspect du guide de l’ordre d’ébène en était la preuve le paladin perdrait son apparence. Le laisser passer de l’autre côté était toujours une option, mais pourrait-il toujours trouver le graal lorsqu’il serait devenu un monstre comme elle ? qu’aurait-il de plus que Luthor ?

Une grande lassitude tenait fermement le corps et l’esprit de Clodhbert. Malgré les drogues, les prières et les sorts, cette langueur anormal fini par réveiller le chevalier. A travers ses paupière mi- clause il aperçut la voute et le fait des arbres parfaitement entretenus qui occupait la pièce. La lumière entrant par de large vitraux était filtrée par les feuillages claire et mouchetait d’or les murs intérieurs du grand temple de Shallya. Une douce odeur végétale emplissait la fraicheur du transept où reposait le paladin. En fond un léger piaillement de merle ponctuait un célèbre psaume édictait d’une voix claire. L’ombre d’une grande créature ailée passa, un hennissement se fit entendre. Le son d’un doux carillon d’argent résonna un instant sous les croisions. Le blessé cligna lentement des yeux, lorsqu’il vit de nouveau clair, Heinrich était à ses côtés, son habituel sourire bienveillant au lèvres.


-Bénissez la déesse qui a entendu nos prières, maître, vous êtes tiré d’affaire…


Inexorablement, la fatigue submergea le jeune homme et il plongea de nouveau dans un sommeil sans rêve.



Une douleur aussi soudaine qu’atroce arracha Clodhbert de son sommeil curatif. Quelque chose lui dévorait le bras droit. D’un spasme il tenta de se relevait, des entraves le maintenait à son lit, il rua, tenta de dégager son bras mutilé sans y parvenir, son membre gauche n’était pas immobilisé il tenta avec son aide de couvrir sa blessure, mais malgré ses tâtonnements frénétiques il ne trouva rien là où devais se trouver son bras d’arme. La stupeur étouffa un instant la souffrance. Remontant avec appréhension le long de son flanc il parvint à un épais pansement. L’étoffe lui bandait l’épaule et le court moignon qui en dépassait. La consternation pris le pas sur la surprise et ne suffit plus à tenir à distance la douleur.
Le chevalier avait perdu son membre mais c’est pourtant celui-là qui le torturait. Il ressentait avec précision les compressions mutilantes et les brulures insupportable que son bras subissait. Son corps se couvrit de sueur et commença à défaillir.
Dans un coin de l’esprit du jeune homme une pointe de réconfort apparu. Un léger murmure marmonné dans un coin de la pièce. Une étincelle dans une nuit froide et humide. La foi du bretonnien l’alimenta avec ferveur et maintenant armé d’une torche tremblotante tenta de repousser l’océan de ténèbres qui tentait de l’emporter.


-Cessez ça ma sœur, vous ne faites que retarder ce qui doit être fait.  Conseilla la voix d’Heinrich.

-Quelque chose se passe, mon frère. Quelque chose d’anormal, de terrible, de ténébreux. Appelez de l’aide. S’indigna la voix d’une jeune fille

-Ce n’est pas nécessaire. La prière ne fera que brouiller les choses.

-Mais cet homme a besoin de nous !

-C’est nous qui avons besoin de lui.


L’espoir d’échapper au ravage et au mal disparu avec le départ de l’adolescente. Une vague de douleur frappa Clodhbert et lui fit perdre pied. Son bras absent l’assassinait. Une magie froide et nauséabonde rentrait dans son corps par la plaie. La lumière intérieure du protecteur de la dame se ternissait et se couvrait d’ombre. Un sursaut d’orgueil ou d’survie repoussa l’insidieuse intrusion en même temps que tonnait une voix outrée.


-Que faites-vous !? quelle diablerie est à l’œuvre ici ? coassa un vieux timbre féminin

-Faites cesser vos prières d’abjuration, très sainte mère. Rien ici ne va contre les intérêts des Dieux bons.

-Comment pouvez-vous vous livrer à de telles monstruosité ici, Maître Volans-Wittelsbach. Cessez immédiatement ! l’âme de ce pauvre garçon est en jeu.

-Son destin ne lui appartiens pas. Son âme probablement non plus. Il n’est que l’instrument des dieux.

-Sortez ! hors d’ici ! Une tel chose ne se produira pas dans le temple dont j’ai la responsabilité. J’en réfèrerez, votre nom ne vous protégera pas éternellement.

-Il n’est pas une protection, très sainte mère, mais un poignard. Dont la pointe piquant mes reins me pousse sans répit en avant.



Les cahots de la route arrachèrent Clodhbert d’un songe pénible. Il était couché dans un chariot. Il pouvait voir au travers des ridelles les passants et les murs d’une ville en pente environné de montagne. Sur le siège du cochet il aperçut le dos de son écuyer.


-Vous êtes réveillé, maître ? reposez-vous, je vous conduis au calme. J’ai sous-estimé la sensibilité d’une novice et ai dut vous trouver un autre lieu de repos. Les prochains jours seront pénibles, mais je sais que vous y survivrez. Shallya nous prenne en pitié…




L’objet était de bois dense et polie. Probablement du chêne. Un très habile artisan lui avait donné la forme et la taille d’un bras si bien que l’on pouvait l’habiller ou le couvrir aussi bien qu’on l’aurait fait d’un membre en chaire. Les différentes pièces cirées coulissaient parfaitement les unes contre les autres. La main était une vraie merveille, les différentes phalanges n’étaient soudées par aucun liens visibles et pourtant elles se fermaient et s’ouvraient comme l’auraient fait une vraie. Clodhbert essaya de s’emparer une coupe disposée sur la table et réussit sans aucun une once d’anormalité, paradoxalement cela le remplit de doute. Cet objet accrochait à son épaule ne pouvait être son bras et être utiliser avec tant de facilité…
Dans l’épaisseur du bois il ressentait que quelque chose lui appartenait. Ni Ysabel ni Heinrich ne lui avait dit, mais il ressentait que le rituel nécessaire à l’animation de sa prothèse avait nécessité des morceaux de lui, probablement les os de son bras. Il attrapa le gant qu’on lui tendait et couvrit sans difficulté sa main, ainsi rien ne semblait pouvoir la différencier de sa gauche.


-La sensation de froid .. ? voulu demander le jeune homme.


L’écuyer fit une mou désolé.


-Elle vous accompagnera très probablement toute votre vie.